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12 août 2008 2 12 /08 /août /2008 02:04

« Nous estimons que la dette s’analyse d’abord de par ses origines. Les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui nous ont prêté de l’argent, sont ceux qui nous ont colonisés, ce sont ceux-là même qui géraient nos états et nos économies, ce sont les colonisateurs qui endettaient l’Afrique auprès des bailleurs de fonds, leurs frères et cousins.

Nous étions étrangers à cette dette, nous ne pouvons donc pas la payer… »

C’est en ces mots que le Capitaine Isidore Dieudonné Thomas Sankara avait entamé son discours sur la dette de l’Afrique le 4 octobre 1984 à Addis Abéba.

Presque 25 ans plus tard,  ces mots sonnent comme une vérité indubitable et sont plus que jamais d’actualité. Cet endettement des pays africains constitue pour eux un goulot d'étranglement sur le chemin du développement.

De façon synoptique, la dette extérieure regroupe l'ensemble des emprunts faits par des agents économiques d'un pays vis-à-vis de prêteurs étrangers. Dans le passé, les pays qui ne parvenaient pas à générer une épargne intérieure suffisante pour financer leur essor économique ont recherché des fonds auprès d'autres pays. Ce qui est le cas de la majorité des pays africains.

La rareté des revenus par la faute des remboursements de la dette en parti, les programmes de développement et les services sociaux ont été sérieusement perturbés. En trente ans, les pays africains ont vu plus de 400 milliards de dollars quitter le continent, alors que la dette globale de l'Afrique est de 215 milliards de dollars. La dette provoque donc une véritable hémorragie de capitaux pour les pays les plus pauvres, les privant de ressources nécessaires à la satisfaction des besoins humains fondamentaux. La dette opère donc plus qu’une ponction insupportable sur les budgets des pays du Sud, les empêchant de garantir des conditions de vie décentes pour leurs citoyens. En moyenne, 38 % des budgets des pays d'Afrique subsaharienne vont au remboursement de la dette. Il est immoral de demander en priorité le remboursement de la dette pour des créanciers aisés ou des spéculateurs plutôt que la satisfaction des besoins fondamentaux. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette ou se maintenir au pouvoir, les gouvernements sont prêts à surexploiter et à brader les ressources naturelles, à mettre en péril la biodiversité, à favoriser la déforestation, l'érosion des sols, la désertification. En Afrique, 65 % des terres cultivables ont été dégradées au cours des cinquante dernières années

Depuis les années soixante, la France confisque l'indépendance de ses anciennes colonies africaines en y maintenant un système d'exploitation clientéliste et néocolonial.

On profite ainsi de la dette pour recoloniser les secteurs clés, on privatise, on en fait profiter les mêmes entreprises (Orange, Bolloré et compagnie…)

Il est inacceptable que les puissants du Nord demandent des centaines de millions de dollars chaque jour au Sud pour le paiement d’une dette qui a été formée lors de relations économiques injustes, qui ont appauvri le Sud et enrichi le Nord. L’endettement prive les peuples d’Afrique de leurs droits fondamentaux : droit à l’indépendance, droit à l’autonomie politique mais aussi droit à la santé, à l’éducation et aux autres biens essentiels et services de base.

La crise de la dette n’est pas seulement un problème financier pour les pays du Sud. C’est aussi un problème politique basé sur des relations de pouvoir inégales. Le mécanisme de la dette continue d’être utilisé comme un instrument de contrôle au travers des conditionnalités des prêts et des annulations de dette. C’est une arme utilisée par les pays prêteurs et les institutions pour faciliter l’entrée des multinationales, pour renforcer leurs stratégies militaires et leurs politiques étrangères, pour assurer la sécurité des contrats favorables aux multinationales, pour promouvoir l’extraction des ressources naturelles des pays emprunteurs.

C’est aussi une responsabilité du Nord : son inconscience, ses intérêts, ses prêts irresponsables ont favorisé cette crise. Les gouvernements riches, les multinationales, et les institutions comme le FMI, la Banque mondiale, l’OMC doivent reconnaître leurs responsabilités pour le rôle qu’ils ont joué dans la création et la poursuite de cette situation.

Nous reconnaissons aussi le rôle des gouvernements corrompus du Sud dans la création de cette dette. Ces gouvernements doivent restituer ces sommes volées aux peuples exploités du Sud.

Dans un souci de justice, nous appelons les gouvernements du G8 et les autres créanciers à analyser leurs comptes et à reconnaître leurs responsabilités !!!

Nous savons que notre force repose sur l’engagement et la détermination des mouvements sociaux, campagnes et individus qui travaillent solidairement à travers le monde. Nous, peuples, organisations, mouvements du Sud et du Nord, sommes déterminés à travailler et élever nos voix jusqu’à ce que notre appel pour la fin de la domination de la dette se réalise enfin.

Les souffrances humaines ont été causées par l’exploitation historique et continue des pays du Sud, le déséquilibre du pouvoir politique et économique et le ravage écologique dicté par des intérêts commerciaux et les politiques des gouvernements et institutions du Nord. Nous affirmons que le Sud est créancier d’une énorme dette historique, sociale, culturelle, politique et écologique. Cela doit être connu et faire l’objet d’une réparation et d’une restitution.

Nous exigeons des relations économiques justes entre les pays et à l’intérieur même de ces pays. Nous n’appelons pas à des initiatives contrôlées par les pays prêteurs pour faciliter la circulation des capitaux des pays pauvres, ou pour un allègement de dette sous conditions imposées par les institutions du Nord. Nous appelons les pays riches et puissants du monde à reconnaître qu’ils ont bénéficié de l’exploitation du Sud et ont échoué dans leur prise de responsabilité. Nous affirmons le droit des peuples à obtenir des gouvernements qu’ils rendent des comptes sur les tenants et aboutissants de leur dette. Nous appelons à des audits officiels et citoyens de la dette ainsi qu’à un audit citoyen des institutions financières internationales. Nous appelons à un contrôle social systématique de l’endettement public. Nous appelons à l’annulation inconditionnelle de la dette, à des restitutions et à des réparations. Nous soutenons les gouvernements qui ont choisi de répudier cette dette illégitime. Nous appelons à l’annulation totale de cette dette odieuse, illégitime, injuste et impayable.

La génération actuelle ne peut accepter cette commémoration du passé. Tout d'abord, l'argument « quand on a des dettes, on les paie » ne tient plus dans le cas des pays africains, car la situation de crise a été déclenchée par des facteurs extérieurs indépendants de leur volonté comme la hausse des taux d'intérêt ou le chute des cours des matières premières. De surcroît, cette dette est largement immorale car elle fut souvent contractée par des régimes non démocratiques, voire dictatoriaux, qui n'ont pas utilisé les sommes reçues dans l'intérêt de leurs populations. Les créanciers ont prêté en connaissance de cause, pour leur plus grand profit, ils ne sont donc pas en droit d'exiger des peuples qu'ils remboursent. Le prix Nobel Wangari Maathai, déclarait ceci « Ce n'est un secret pour personne qu'un grand nombre de prêts a été octroyé à plusieurs dirigeants dictateurs, irresponsables en Afrique et ailleurs, et que l'argent n'a jamais profité à ceux à qui c'était destiné »

« Comment pouvez-vous punir les pauvres citoyens, qui n'ont jamais été consultés au sujet des prêts, qui ont été utilisés pour les opprimer, pour renforcer les élites au pouvoir se montrant coopératives, et pour exploiter les ressources au détriment de la santé, de l'environnement et du bien-être des populations? Ces dettes ont été non seulement mal conclues, mais sont illégitimes ». La gestion de la dette, estiment des experts, a réduit les budgets des pays en développement. Il n'y a pas assez d'argent pour permettre aux gouvernements de fournir correctement les services de base dont l'éducation et la santé. Si les dettes sont annulées, l'Afrique et d'autres nations pauvres auront plus de souveraineté pour décider de leurs propres mécanismes de développement, étant donné que les conditions qui ont précédemment été liées aux prêts ont maintenu les nations pauvres à la merci des nations riches. Depuis 1980, la dette extérieure publique (c'est-à-dire contractée par les pouvoirs publics ou garantie par eux) à long terme de l'Afrique a continué sa progression effrénée. Celle de l'Afrique subsaharienne a été multipliée par 4, passant de 45 milliards de dollars en 1980 à 175 milliards en 2003. La dette extérieure publique de l'ensemble de l'Afrique est donc passée de 89 milliards de dollars en 1980 à 250 milliards en 2003. Suite aux plans d'ajustement structurel imposés par le FMI, l'essentiel de la politique économique des pays du Sud est décidée à l'extérieur du pays concerné, notamment à Washington, à Londres, à Paris ou à Bruxelles . Déjà, la dette a été remboursée plusieurs fois : pour 1 $ dû en 1980, les Etats africains ont remboursé 4 $ mais en doivent encore 2,5 ! Elle a donc cessé de faire l'objet d'un remboursement équitable dans des conditions régulières, pour devenir un instrument de domination implacable, dissimulant racket et pillage. Tout compte fait, la dette organise un transfert de richesses des populations du Sud vers leurs riches créanciers. Le droit international reconnaît la nécessité de prendre en compte la nature du régime qui a contracté les dettes, et l'utilisation qui a été faite des fonds versés. Cela implique une responsabilité directe des créanciers. Ainsi, si un régime dictatorial est remplacé par un régime légitime, ce dernier peut prouver que les dettes n'ont pas été contractées dans l'intérêt de la nation ou l'ont été à des fins odieuses. Dans ce cas, elles peuvent être frappées de nullité et les créanciers n'ont qu'à se retourner vers les dirigeants de la dictature à titre personnel. Dans tous les cas, les pays africains devraient cesser de payer ces dettes fallacieuses et immorales. Thomas Sankara rappelait à propos à la tribune de L'OUA le 29 juillet 1987 « Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous n'avons pas de quoi payer. Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous ne sommes pas responsables de la dette. Nous ne pouvons pas payer la dette parce qu'au contraire les autres nous doivent ce que les plus grandes richesses ne pourront jamais payer, c'est-à-dire la dette de sang. C'est notre sang qui a été versé. On parle du Plan Marshall qui a refait l'Europe économique. Mais l'on ne parle pas du Plan africain qui a permis à l'Europe de faire face aux hordes hitlériennes lorsque leurs économies étaient menacées, leurs stabilités étaient menacées. Qui a sauvé l'Europe ? C'est l'Afrique. On en parle très peu. »

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commentaires

I
slt Abdou moi c'est ismael je suis du Sénégal et je suis ravi de faire votre connaissance. en fait j'étais séduit par vos articles sur le Sénégal et les poèmes que vous avez dédié au Sénégal/ Loin du terroir, nous sentons que c'est la grande activité patriotique qui vaille chez toi. il est temps cher ami que les chandelles soient allumées pour notre pays au lieu de maudire l'obcurité. pour plus d'informations je vous prie de me rejoindre sur skype : iso19772 ou MSN : ismael77@live.fr 
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L
L'article est tres bien acrit....chapeau
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A
Vous avez raison, il n'est pas question que l'Afrique paye une dette qu'elle n' a pas contracté. Si les dirigeants de l'epoque de Sankara avaient suivi de dernier, on en serait pas là.
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Profil

  • DIAGNE Abdou
  • Abdou Diagne est né à Dakar. Après avoir obtenu son baccalauréat au Sénégal, il débarque à Strasbourg pour poursuivre des études en sociologie, puis à Paris, en science politique à la Sorbonne. Son premier amour reste la littérature fran
  • Abdou Diagne est né à Dakar. Après avoir obtenu son baccalauréat au Sénégal, il débarque à Strasbourg pour poursuivre des études en sociologie, puis à Paris, en science politique à la Sorbonne. Son premier amour reste la littérature fran