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4 septembre 2010 6 04 /09 /septembre /2010 21:54

presse senegalaiseBien que je sois l’un des premiers et surement l’un des derniers à plébisciter la grandeur de Mr Wade et la chance qu’à l’Afrique et le Sénégal d’avoir un homme comme lui, je dois reconnaitre que les promesses de démocratie  n’ont jusqu’à présent pas été tenues. Pire encore, le peu de liberté de la presse qui se profiler à l’horizon au lendemain l’alternance n’est plus qu’une illusion. La liberté de la presse est l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui reposent sur la liberté d’opinion, la liberté mentale et d’expression.

La liberté de la presse tout comme la démocratie dont elle se nourrit et nourrit, ne se décrète pas une fois pour toutes. Elle est une quête permanente sous tous les cieux et quel que soit le niveau de développement du pays. Pour ce qui est  du pays qui fût plébiscité en 2002 comme étant un exemple de la démocratie et de la liberté d’expression pour avoir organiser l’une des élections les plus limpides de l’histoire de l’Afrique, la désillusion est grande.

Le Sénégal, caractérisé  par le recul de la démocratie et par la mal gouvernance, la liberté de la presse est souvent mise à rude épreuve

Les considérations d’ordre général nous amènent à présent à analyser l’état de la liberté de presse au Sénégal

La problématique de la liberté de la presse au Sénégal se pose au regard de nombreuses considérations d’ordre politique, économique et culturelle. Comment parler de la liberté de presse au Sénégal où nous avons encore en mémoire les lynchages de politiciens et de journalistes dans un mutisme le plus total ?

Comment parler de la liberté de la presse dans un pays où les questions sensibles comme la religion entraînent pour un mot mal placé, une terrible déflagration?

Alors faut-il trouver des excuses dans un tel pays où la liberté de presse est chaque jour bafouée ?

Les atteintes à la liberté de la presse en Afrique sont multiformes. Il s’agit :

Des interpellations de journalistes

De la saisie des journaux

Des suspensions d’émissions radios

De la fermeture de journaux et de radios

De lynchage et emprisonnement de journalistes

Des interpellations souvent opérées par les forces de l’ordre ont trait à des cas de divulgation de secrets, d’atteinte à la sécurité ou à l’ordre public.

Pour vous donner un aperçu sur la gravité de la situation, faisons juste un panorama de ce qui s’est passé depuis l’avènement de l’alternance.

Le 24 octobre 2003, Sophie Malibeaux, correspondante de Radio France Internationale (RFI) à Dakar, est contrainte de quitter le Sénégal, sous le coup d’un arrêté d’expulsion. Arrêtée deux semaines plutôt, le ministère de l’Intérieur lui avait alors signifié son expulsion du pays. La journaliste avait finalement été libérée au moment où elle s’apprêtait à quitter le Sénégal par l’aéroport international Léopold Sédar Senghor. Elle a ainsi été obligée de quitter le pays où elle exerçait. Les autorités lui ont officiellement reproché sa couverture « tendancieuse » de la crise en Casamance, région où sévit depuis plus de vingt ans une rébellion indépendantiste.

 

Ibrahima Fall, journaliste du quotidien L’info 7, est agressé par des agents du Groupement mobile d’intervention (GMI) qui brûlent son bloc-notes et endommagent son appareil photo. Il couvrait une opération de déguerpissement de sculpteurs du marché artisanal de Soumbedioune. Il souffre d’un traumatisme à l’oreille gauche et de multiples contusions. Le groupe de presse Com 7 dépose une plainte auprès du procureur de la République « pour qu’un tel acte barbare ne reste point impuni ». Nous pouvons en douter que ce geste reste sans suite…

Le 20 mars, Sira Konaté et Fanta Badj, journalistes de Manoré FM, sont agressées alors qu’elles couvrent des opérations du GMI destinées à « déménager » les habitants d’un quartier de Dakar.

Le 20 mai, Karim Diouf, correspondant de la radio communautaire Oxy-Jeunes à Rufisque (banlieue de Dakar), est tabassé par des nervis du maire, Ndiawar Touré. Il est reproché au journaliste d’avoir diffusé une information qui porterait préjudice à l’image du maire.

Le 20 novembre, Mame Maty Fallde la radio privée Walfadjri FM, est agressée par un membre de l’administration pénitentiaire au tribunal régional de Dakar. Le fonctionnaire voulait empêcher la journaliste de réaliser une interview d’un prévenu à sa sortie du bureau du juge d’instruction.

Fin juillet 2003, Abdou Latif Coulibaly, journaliste et directeur général de Sud FM, est victime de menaces de mort répétées, par téléphone, à son domicile et à son bureau. Le journaliste avait publié, le 12 juillet, un livre critique sur le chef de l’Etat intitulé « Wade, un opposant au pouvoir : l’alternance piégée ? ». Ces menaces sont attribuées aux membres du parti au pouvoir.

Le 15 octobre 2003, les directeurs de publication des journaux privés Walfadjri et Le Quotidien sont entendus par la gendarmerie de Colobane (quartier de Dakar). Cette convocation est liée à la publication d’articles sur l’agression de Talla Sylla, le leader de l’Alliance Jëf Jël (opposition), dans la nuit du 5 au 6 octobre. Ce dernier avait été attaqué à coups de marteau. Les deux quotidiens avaient publié des articles indiquant que certains éléments de l’enquête menaient droit à la garde présidentielle. Aucune mesure n’est prise à l’encontre des journalistes.

Au mois de Juillet, le journaliste Sénégalais Madieng NDIAYE fut emprisonné pendant deux semaines pour avoir, dit-on, diffusé des informations considérées « secrets d’État… »

Nous ne parlerons même pas du cas de Boubacar Kambel Dieng ni celui de Latif Coulibaly.

Des sanctions civiles infligées aux organes de presse entraînent aussi leur disparition.

Donc, paradoxalement à ce que l’on s’attendrait avec la libéralisation de l’espace médiatique au Sénégal, les atteintes à la liberté de la presse sont fréquentes.

Les médias publics ne sont pas non plus épargnés par les atteintes à la liberté de la presse. Alors que la presse écrite publique semble acquérir un peu plus d’autonomie et de liberté, tel n’est pas le cas de la radiodiffusion et de la télévision publique.

Le service de radiodiffusion n’est ni indépendant ni autonome du point de vue de leur gestion et de leur politique éditoriale. En effet ces organes publics continuent de fonctionner comme des  » chasse-gardées  » des gouvernements dont ils reçoivent les subventions.

Par ailleurs, il est pratiquement difficile d’accéder à des postes de responsabilité dans les médias publics lorsqu’on n’est pas membre du parti au pouvoir.

Ces causes d’atteintes à la liberté de presse  sont essentiellement d’ordre politique et juridique.

Vous conviendrez avec moi que la liberté de la presse reste liée à la démocratie. Alors, malgré les progrès réalisés, la démocratie reste aléatoire dans de nombreux pays africains. Elle se caractérise par :

La difficile ou l’absence d’alternance au pouvoir

Le déséquilibre dans la représentation politique

L’exercice d’un pouvoir très centralisé et souvent autocratique

Ces facteurs expliquent en partie pourquoi les pouvoirs en place sont allergiques à la critique des médias.

Mais les dispositions légales sont telles qu’elles constituent les facteurs principaux de limitation à la liberté de presse.

Le Sénégal conserve tout un arsenal de textes et de lois souvent héritées de l’ère coloniale qui sont incompatibles avec la liberté d’expression, celle des médias en particulier, et représentent une menace pour elle. On trouve ainsi dans les législations sur la presse des dispositions limitant ou restreignant l’accès aux informations officielles, des dispositions portant sur les activités séditieuses et subversives, la sécurité nationale, la diffamation civile et pénale et la censure, en passant par les dispositions enjoignant la divulgation des sources, pour citer quelques exemples courants.

Bref, les dispositions limitant la liberté de presse tiennent donc essentiellement aux dispositions relatives à la sécurité nationale, à la sédition, aux fausses nouvelles et à l’ordre public. Une autre caractéristique commune à la plupart des pays africains, sinon la totalité d’entre eux, concerne la notion extensive de la diffamation qui, le plus souvent, est à la base des sanctions pénales infligées aux journalistes.

D’autres contraintes non moins importantes comme l’environnement économique, social et culturel influent également sur la liberté de la presse. A qui la faute ?

J’avoue avoir pointé les manquements de la démocratie sénégalaise qui freinent la liberté de la presse, mais il est aussi de mon devoir, de vous faire goutter à l’autre partie tranchante du couteau. Faut-il pour autant dédouaner les journalistes et leurs médias, lorsqu’ils commettent des erreurs ou des fautes plus ou moins graves ? Assurément non! Quand bien même on est un défenseur intrépide de la liberté de la presse dans le monde, on doit reconnaître la part de responsabilité des journalistes dans les sanctions qui sont prises à leur encontre.

Loin d’être parfaits, les journalistes posent des actes qui les desservent. Les raisons sont de plusieurs ordres.

Le non respect de la loi et des règles d’éthique et de déontologie est l’une des causes de cette maltraitante de la presse sénégalaise..

Le journaliste n’est pas au-dessus de la loi et la presse ne saurait être un espace de non droit. Outre la loi, au « pays de la Téranga » les journalistes se soumettent aux règles d’éthique et de déontologie qu’eux-mêmes se fixent généralement. Or, les journalistes ont tendance à banaliser la déontologie qui constitue le premier garde-fou contre les dérives éventuelles.

Certains des journalistes qui évoluent particulièrement dans les médias publics n’ont reçu aucune formation. On pourrait qualifier certains d’entre eux de journalistes « auto-proclamés ». Heureusement pour notre pays, beaucoup d’entre eux reçoivent la reconnaissance d’être des meilleurs d’Afrique. Mais que l’on se comprenne bien. Je ne dis pas que pour être bon journaliste, il faut nécessairement passer par une école de journalisme. Pas du tout. Il existe des journalistes confirmés qui n’ont jamais mis pied dans une école de journalisme tout comme on en voit qui sont issus de grandes écoles mais qui sont incapables de rédiger un bon article.

Cependant, malgré leurs limites, les écoles de formation professionnelle demeurent encore la meilleure voie pour bien exercer le métier de journaliste.

Sujet tabou dans les rédactions, la corruption frappe durement le milieu de la presse en Afrique. Moyennant quelques francs, dollars ou euros, des journalistes sont prêts à écrire ou produire n’importe quoi. La question de la vénalité constitue une véritable menace non seulement pour la crédibilité du journaliste mais aussi et surtout pour une liberté de presse dont les fondements reposent sur l’honnêteté, l’objectivité, l’impartialité, l’indépendance et la cause juste ou la justice sociale.

 

 

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Profil

  • DIAGNE Abdou
  • Abdou Diagne est né à Dakar. Après avoir obtenu son baccalauréat au Sénégal, il débarque à Strasbourg pour poursuivre des études en sociologie, puis à Paris, en science politique à la Sorbonne. Son premier amour reste la littérature fran
  • Abdou Diagne est né à Dakar. Après avoir obtenu son baccalauréat au Sénégal, il débarque à Strasbourg pour poursuivre des études en sociologie, puis à Paris, en science politique à la Sorbonne. Son premier amour reste la littérature fran